Le vieille d’en face
(19 mai 2010)
Me promenant dans la rue, je croise une dame d'un certain âge qui me regarde effrontément.
Poliment je me fends d'une moue hypocrite, pastiche d'un sourire, qu'elle me renvoie aussitôt !
Qu'est-ce donc, me dis-je, que cette vieille folle en face de moi ! Que me veut-elle de ce rictus narquois ?
Je m'avance vers elle, qui fait de même dans ma direction.
C'est alors que je m'aperçois qu'elle, c'est moi !
Sidérée par la découverte de mon moi surpris par mon je, je m'approche avec un regard neuf, de cette femme mûre que je croyais connaître par coeur.
Les pièces du puzzle s'emboîtent dans un enchaînement de détails, pour finir dans une image recomposée de moi même, sans concession : les rides assassines qui sculptent mon visage de ressacs dermique, ma peau qui se froisse et se met à jouer de l'accordéon, mes os qui préfèrent les claquettes, mes muscles qui se relâchent, ma silhouette qui s'étoffe à l'horizontale, le fait que je ne vois plus assez pour savoir ce que deviennent mes dents, mes souvenirs qui pareils à des ectoplasmes se dissolvent dans le néant...
La lumière se fait dans mon esprit : cette fois, ça y est, je suis irrémédiablement, désespérément vieille.
Un monde meurt : celui des "pour toujours et à jamais", des "tout est encore possible", des "y a pas de problème", des "oh oui, faisons le", des "même pas peur, même pas mal", des "arrête de me draguer"...
Pendant que naissent leurs opposés de façon douloureusement exponentielle.
Mon corps est un linceul qui se devine dans le miroir qui n'est plus aux alouettes.
Je sais à quoi sert la vieillesse
Elle nous oblige à nous tourner vers dieu.
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